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Environ 100 000 heures ou l’équivalent de 12 ans sans pause. C’est le nombre d’heures qu’on passe au travail en moyenne dans une vie. Peut-être vaut-il mieux y être heureux ! Selon la science, certains facteurs et caractéristiques contribuent à trouver le bonheur au boulot. Vous reconnaissez-vous ? Et si non, que pouvez-vous changer ?
Publié le 3 juin dans La Presse
Maude Goyer Collaboration spéciale
Isabelle Denis est psychologue et donne depuis quelques années le cours La science du bonheur à l’Université Laval. Il y a moins d’un mois, dans le cadre de la Semaine de la santé mentale qui se tenait à l’université, elle a présenté une grande conférence qui résume ses recherches et observations sur le bonheur.
Qu’est-ce qui rend les gens heureux ? Et comment cela se manifeste-t-il au travail ?
Selon elle, certaines vertus et forces de caractère sont associées au bonheur au travail.
« Les travaux de Martin Seligman, le père de la psychologie positive, démontrent que des qualités comme la persévérance, la gratitude et l’optimisme jouent dans l’atteinte du bonheur au travail, explique la professeure de sciences sociales à l’École de psychologie de l’Université Laval. Et il y a aussi le zest. »
Vitalité et créativité
Le zest, c’est en fait la « vitalité, l’enthousiasme, la vigueur et l’énergie » mis au travail, tous des traits qui nourrissent la réussite au travail.
De façon générale, quelqu’un de curieux, de créatif, qui aime apprendre et qui est en mesure d’exprimer de l’amour, de la gratitude et de l’espoir aura une grande propension au bonheur, incluant dans son milieu professionnel.
« Individuellement, quelqu’un qui est en mesure de concilier vie personnelle et travail, qui est en mesure de trouver un équilibre et qui a de bonnes relations au travail, par exemple, un ami au boulot, des interactions positives, un travail d’équipes stimulant, aura tendance à être heureux au travail », souligne Isabelle Denis.
Pas toujours au sommet
Faire preuve d’empathie et de compassion envers les autres est aussi une des clés pour être heureux au travail – et cela inclut l’autocompassion.
« L’autocompassion, c’est l’art de pratiquer la bienveillance envers soi-même, surtout dans les moments plus difficiles, dit Mme Denis. Cela veut dire qu’on accepte d’avoir des défis, d’avoir de moins bonnes journées. C’est de se donner un break, quoi ! »
Certains facteurs liés à l’environnement de travail peuvent contribuer au bonheur, indique la professeure et psychologue. « Les études montrent qu’il est essentiel de donner un sens à son travail, et c’est plus facile lorsqu’on adhère aux valeurs de l’entreprise. »
Définir le bonheur
L’experte explique que selon la définition scientifique du bonheur la plus répandue, soit celle de Martin Seligman, être heureux repose sur trois concepts : le plaisir (ou le fait de ressentir des émotions positives), l’engagement (dont le flow, cet état de concentration et d’absorption qui permet d’être « dans sa zone ») et le sens (ce qui inclut le sentiment d’appartenance et le fait de contribuer à quelque chose de plus grand que soi).
Or, ces trois idées sont intrinsèquement liées au monde professionnel.
« C’est intéressant de voir quelles compétences sont déjà acquises pour atteindre le bonheur au travail et lesquelles on peut développer, dit Isabelle Denis. Les gens heureux ont tendance à vouloir apprendre de nouvelles choses : cette propension à autant aimer la routine qu’en sortir définit les êtres humains. On aime découvrir et rencontrer une diversité de tâches, de lieux, de relations. »
Trouver du sens
En ce sens, elle parle du job crafting, un terme difficile à traduire, mais qui pourrait signifier une personnalisation de son travail. Le job crafting permet de redéfinir son emploi afin de lui donner plus de sens, précise Mme Denis.
Ça ne veut pas dire qu’on change de carrière, mais plutôt qu’on l’envisage d’une nouvelle façon et qu’on la redéfinit pour qu’elle corresponde davantage à nos besoins, nos compétences, nos intérêts et nos objectifs.
Isabelle Denis, psychologue et professeure
Elle cite l’exemple d’un entraîneur : las d’enseigner à des adultes, il pourrait trouver du sens en coachant de jeunes contrevenants, illustre-t-elle. « Évidemment, ça prend de la liberté dans les tâches et dans le poste, mais c’est une façon de se repositionner : comment, dans notre travail, on peut trouver du sens ? »
Connexions humaines
Parmi les autres conseils pour trouver le bonheur autour de la machine à café, Isabelle Denis parle des contacts humains : parler avec les autres, le plus souvent possible, est garant d’une vie heureuse.
« Plein d’études concluent que les relations interpersonnelles sont importantes pour vivre heureux, glisse-t-elle. Et cela va au-delà du travail. »